Mourot - Rédacteur au "Mot d'Ordre" - Secrétaire d'Henri Rochefort
Mourot - Rédacteur au "Mot d'Ordre" - Secrétaire d'Henri Rochefort

Charles, Eugène MOUROT (1848 - l909)

 

Né à Nant-le-Grand (Meuse), le 16 juin 1848, Eugène Mourot commence en 1859 ses études au séminaire de Verdun. Mais il préfère la presse à l'autel et, à peine âgé de vingt ans, il écrit dans La Rue ("Les Boulevards", "Chronique rurale", "Informations de dernière heure").

En décembre 1869, il est condamné deux fois pour délit de presse. À Sainte Pélagie, il fait la connaissance de Rochefort dont il devient le secrétaire. Il participe alors à la rédaction de La Marseillaise puis du Mot d'Ordre. Ce dernier journal, supprimé par le général Vinoy durant le siège de Paris, reparut sous la Commune.

Après son arrestation à Meaux aux côtés de Rochefort, ce fut surtout pour ses articles parus dans Le Mot d'Ordre en avril et mai que Mourot fut condamné, le 21 septembre, à la déportation simple par le 3ème Conseil de guerre siégeant à Versailles.

Faisant partie du 2e convoi, à bord de La Guerrière qui sort de la rade de Brest le 13 juin 1872, il arrive à Nouméa le 2 novembre 1872 et débarque à l'île des Pins peu après.

 La vie en exil s'organise, Mourot fonde avec un autre déporté nommé Pinjon une "société commerciale et universelle" aux fins d'exploiter à l'île des Pins un petit négoce de denrées diverses et notamment de vin. Cette société est dissoute le 26 juillet 1876, Pinjon prend à son compte la cantine de la quatrième commune et Mourot conserve pour sa part la maison d'épicerie sise à Uro.

En février 1877, Mourot, en compagnie de Geofroy, de Hocquard puis de Cosse, entreprend la réalisation du premier journal lithographique de la déportation : Le Raseur Calédonien. En avril, Le Raseur est interdit; la même équipe de base fait paraître en juin Les Veillées Calédoniennes, publication interrompue un mois plus tard : la presse autographique ayant été saisie et Mourot, arrêté parce qu'il imprimait un "pamphlet" intitulé La Voix du Proscrit, destiné à être expédié en France, est mis au secret.

Alors que la presse de l'île des Pins multiplie ses publications, Mourot, sans doute jugé trop gênant par l'Administration, est autorisé à s'établir commençant à Nouméa. Il est déclaré en faillite le 14 août 1877 ; jugement annulé le 18 septembre de la même année.

Gracié le 5 juin 1879, Mourot reste à Nouméa. Il est élu conseiller municipal le 18 juillet 1880. Cette élection ayant été annulée par le gouverneur le 21 août, Mourot est réélu le 7 novembre. Censurés par le gouverneur dans leurs fonctions de conseillers municipaux, Mourot, Bouillaud, Bourdinat, Armand et Forceau démissionnent et sont réélus au second tour le 20 février 1881. À cette période se limite la participation de Mourot aux affaires publiques.

Fin 1879, il fait office de principal rédacteur de La Nouvelle-Calédonie en train de vivre ses derniers jours. Il n'entre pas au Néo-Calédonien qui lui fait suite, préférant attendre un peu et fonder en octobre 1881 Le Progrès de la Nouvelle-Calédonie que soutiennent financièrement Marius Armand et surtout Gratien Brun.

La publication de ce nouveau journal, à cette date précise, a pour but premier de forcer la main au gouverneur Courbet qui retarde de son propre chef l'application à la colonie de la nouvelle loi sur la presse. Par la suite, Le Progrès devait être l'organe des républicains radicaux et anticléricaux de la colonie ; Mourot le rédigeait pratiquement seul.

Vice-président de l'Union Démocratique de Propagande Anticléricale, il fut peut-être également le rédacteur de l'éphémère Moniteur de l'Anticléricalisme.

En juillet 1884, Gratien Brun ayant quitté la colonie provisoirement, Mourot s'associe avec Edmond Larade pour fonder la "Société Civile du Progrès". Le titre du journal devient Le Progrès de Nouméa.

La société est dissoute 30 août 1884. Tout revient à Larade. Mourot qui se présente dans la presse comme la malheureuse victime d'un bourreau-usurier du nom de Larade, annonce qu'il va publier un nouveau journal, Le Petit Colon de la Nouvelle-Calédonie. Ce projet ne vit jamais le jour. Fin mai 1885, Mourot entrait au Néo-Calédonien et allait y rester comme principal rédacteur jusqu'en avril 1886.

Ayant décidé de rentrer en France, il quitte la Nouvelle-Calédonie sans doute le 28 juin 1886. Il passe par Melbourne et fait escale à l'île Maurice où il laissé des articles aux journaux locaux.

Arrivé en France, il participe à la rédaction d'un nouveau journal parisien, L'Action, que dirige Henri Michelin et dont Alphonse Humbert est le rédacteur en chef. Dans ce journal, Mourot continue la lutte qu'il avait engagée dans les journaux nouméens pour la défense des intérêts des déportés, dont les concessions qu'ils possèdent à l'île des Pins, en vertu de la loi du 25 mars 1873, sont saisies par l'Administration pénitentiaire pour y mettre des relégués.

Eugène Mourot est décédé à Paris le 5 mai 1909.

 

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Le Raseur Calédonien, numéro 4 (25 février 1877)

 

-- Page 2.

 

Avis aux Lecteurs

 

Nous donnons avec ce numéro la prime promise à nos abonnés, nous avons pensé que nos lecteurs préféreraient que le dessin soit libre, c'est pourquoi la biographie qui l'accompagne a été insérée dans le journal.

Le Dessin se vend à part 0f 50c.

 

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MOUROT Eugène

 

Quoiqu'en dise son état civil, et quoiqu'il dise lui-même être né dans le pays dont l'héroïque Nancy (1) est la capitale, nous n'en croyons rien, car on nous dit que déjà plusieurs villes d'Auvergne se disputent l'honneur de l'avoir vu naître.

Elevé par les P. Jésuites, Mourot n'a conservé de son éducation première qu'un profond amour pour les sciences en général et le latin en particulier. C'est à lui que l'on doit ma Traduction de cette fameuse phrase que l'Empereur latin, Pertinax, fit graver sur le frontispice de son nouvel Opéra. Audates fortuna juvat. Mourot traduisit spirituellement : Les audacieux font fortune…… en Calédonie. De rage, plusieurs savants français en avalèrent leur couteau à papier.

Le régime correct et froid du séminaire, ne pouvait convenir à son caractère jeune et poétique, Paris, la ville des merveilles, lui apparaissait dans ses rêves de jeune homme, comme un pays de cocagne ; aussi, est-ce là que nous le retrouverons quelques années plus tard, mais complètement changé. Il avait acquis, au contact du monde qu'il fréquentait, cette tournure élégante et distinguées que nous lui connaissons tous.

Rochefort le vit, avec l'esprit qui le caractérise, il comprit aussitôt l'immense avantage qu'il pouvait tirer de sa taille majestueuse et de la longueur de ses bras, il l'engagea immédiatement comme allumeur de Lanternes. Grâce ? à la ponctualité qu'il apportait dans ses fonctions de lanterniste, les rayons que répandait cette lampe, cet astre devrions nous dire…. mirent le feu à plusieurs quartiers de la Ville; Mourot, dont le courage est connu, s'embarqua immédiatement à bord d'un bateau mouche, pour aller à Passy chercher la pompe à eau de Chaillot. En doublant le cap St Ouen, les Voyageurs furent victimes d'un fait inouï, Un énorme poisson tricolore, traitreusement caché dans le grand égoût collecteur, fondit inopinément sur le bateau et l'avala d'une seule bouchée.

L'effrayante superficie des pieds de Mourot et plusieurs numéros de la Marseillaise qu'il avait dans sa poche, empêchèrent l'animal de digérer sa proie, il la rejeta sur les côtes de la Nle Calédonie, la joie d'être débarrassé lui fit pousser alors un immense éclat de rire……. Grande fut la consternation de Mourot !!

Un jour, errant comme d'habitude sur ces plages arides, l'idée lui vint de descendre dans une grotte… O délire !!! O épatement !!! un monceau de manuscrits est devant ses yeux, il s'approche ! il touche ! est-ce un rêve ?... Non, rien n'est plus réel, les volumes sont bien là, les caractères Kanaks sont bien visibles ; un peu de patience et d'étude, et les trésors d'une littérature entièrement vierge viendront le dédommager. le lendemain, il était à l'Œuvre.

 

(1) . Chacun connaît la courageuse défense de cette Ville lors des deux invasions 1815 - 1870

 

-- Page 3

 

Depuis ce temps, on le voit tous les jours dans la maison qu'il habite au bord de l'Uro, occupé à traduire ses précieux manuscrits. Quel Chef d'Œuvre ce géant va-t-il Enfanter. Nous sommes surs qu'il étonnera le monde et ouvrira à son auteur, les portes de l'Académie Française, ou tout au moins, celles de l'établissement du même nom dans la rue St Jacques.

 

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Notes à propos de ce document :

- La transcription du texte est scrupuleusement reproduite avec ses majuscules et sa ponctuation parfois surprenantes.

- L'Avis aux lecteurs nous informe que ce numéro du Raseur Calédonien contenait en encart un portrait d'Eugène Mourot que je n'ai trouvé nulle part mais dont la caricature de Victor Cosse donne une idée du style du dessin.

- Dans cette biographie fantaisiste, l'épisode central est facile à interpréter comme traduisant de façon plaisante la période parisienne de la vie de Mourot, en tant que journaliste adjoint de Rochefort, participant à la publication du journal La Lanterne, puis aux incendies de la Commune, suivis de son arrestation et de la déportation en Nouvelle-Calédonie ; en revanche, je n'ai pas saisi l'allusion aux villes d'Auvergne qui se disputeraient "l'honneur de l'avoir vu naître", pas plus que je ne peux expliquer la fin, avec cette prétendue activité de traduction de mystérieux manuscrits découverts dans une grotte.

 

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La Voix du Proscrit

 

 

Après ARMAND CLOSQUINET, à qui j'ai consacré la mise à jour de février 2012 dans des conditions tout à fait improvisées, voici en en date du 10 juin 2012 quelque chose que je me proposais de faire depuis des années : la reconstitution de La Voix du Proscrit, un "journal" de l'île des Pins conçu par EUGENE MOUROT, dont le tirage non autorisé a été interrompu au cours de l'impression du treizième exemplaire par l'autorité pénitentiaire qui confisca en cette occasion la presse des déportés et interdit la publication des Veillées Calédoniennes, le petit journal qui avait succédé au Raseur Calédonien, lui-même suspendu à cause d'une première page où figurait une caricature du gouverneur, Léopold de Pritzbuer.

 

Cette reconstitution a été rendue possible grâce à un document que j'ai observé à la bibliothèque de l'archevêché de Nouméa au temps où je faisais la chasse aux documents pour les besoins de ma thèse, document que j'ai photographié, photocopié et dont j'ai classé les reproductions dans mes archives personnelles. Il s'agit d'une lettre adressée à l'évêque par l'aumonier du bagne de l'île des Pins, LOUIS LEVAVASSEUR, qui rend compte de l'incident et fait une description précise de l'objet du délit.

 

Comme on peut s'en rendre compte à la lecture de sa lettre et de commentaires qu'il écrit en marge de certains exemplaires des journaux de la déportation, le P. LEVAVASSEUR n'avait que peu de sympathie pour les communards et réprouvait manifestement qu'ils fussent autorisés à imprimer un journal dont il trouvait le contenu choquant à bien des égards. Paradoxalement,  c'est à lui que l'on doit de connaître ce "pamphlet", comme il l'appelle, et dont on est en droit de penser qu'il n'était pas dans ses intentions de le préserver de l'oubli.

 

 

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LETTRE DU P. LOUIS LEVAVASSEUR A SON EVEQUE (Recto)
LETTRE DU P. LOUIS LEVAVASSEUR A SON EVEQUE (Recto)

 

 

 

Hôpital du Sacré Cœur. 4 août 1877.

 

Monseigneur.

 

Voilà le pamphlet que Mourot se disposait à envoyer en France. La presse autographique marchait et déjà on en avait tiré treize exemplaires lorsque la police est survenue a saisi les épreuves et confisqué la presse qui ne devait plus fonctionner. Mourot et l'artiste imprimeur sont au secret. Qu'en adviendra-t-il ??

J'ose vous prier Mgr de ne communiquer cette copie à personne, ici personne encore ne paraît en connaître les paroles. On sait que Mourot est en prison pour avoir voulu publier un nouveau journal malgré la défense et c'est tout. Une mauvaise épreuve m'a été secrètement communiquée et voilà comment je puis vous envoyer la présente copie.

Par ailleurs rien de nouveau, les bons rapports avec l'Administration paraissent vouloir se continuer, quant à la déportation c'est toujours la même histoire. J'ai fait deux enterrements, le premier surpris avait rempli ses devoirs il y a deux mois à la presqu'île Ducos et le second n'a jamais voulu signer son enterrement civil, puisse le bon Dieu leur avoir fait miséricorde.

J'ai bien l'honneur d'être

Monseigneur

De votre Grandeur

Le très humble et très obéissant serviteur.

L. Le Vavasseur

 

 

 

 

 

 

 

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Page 1 de La Voix du Proscrit : à gauche la description, à droite la reconstitution

 

Le P. LEVAVASSEUR note qu'il s'agit d'une vignette extraite d'un journal ayant déjà paru mais il ne précise pas lequel pas plus que le numéro. Toutefois, il en fait ainsi la description par une note bas de page :


 (1) "c'est un exilé rêvant sur une plage à l'ombre d'un cocotier et regardant un vaisseau au large".

 

 

L'illustration qui se rapproche le plus de cette description est une lithographie de CHARLES ROMAIN CAPPELARO datant de 1876 intitulée justement "Le Rêve". C'est une partie de cette lithographie que j'ai utilisée car si ce n'est pas exactement elle que MOUROT avait mise en page, il est fort probable qu'elle s'en inspirait, le "vaisseau au large" remplaçant une vision allégorique de la République sur fond de paysage parisien.

 

 


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Page 4 de La Voix du Proscrit : à gauche la description, à droite la reconstitution

 

Le P. LEVAVASSEUR mentionne qu'il s'agit de "Diminutifs des vignettes des N°s...".

Ici aussi, pas plus que les numéros en question il ne précise le journal d'où proviennent les originaux. Mais comme il assure que "les personnages sont absolument les mêmes", qu'il donne les titres des vignettes, il est facile de les identifier ; chacune provient de la première page d'un numéro du Raseur Calédonien :

 

- Les anges gardiens, numéro 4, 25 février 1877 ( "Deux gendarmes à cheval au grand galop" ) ;

- Les esprits familiers, numéro 5, 4 mars 1877 ( "Deux surveillants et leurs atours" ) ;

- L'olympe, numéro 8, 25 mars 1877 ( "M. B. //  M. G.  //  M. P." ) ;

- Les augures, numéro 10, 8 avril 1877 ( "P... J.  // et //  M. R." ).

 


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LE RASEUR CALEDONIEN - N° 10 du  8 AVRIL 1877
LE RASEUR CALEDONIEN - N° 10 du 8 AVRIL 1877

 

 

Cette dernière vignette, titrée d'une citation de Victor Duruy "Les augures ne pouvaient se regarder sans rire", mérite une attention particulière parce que les augures en question sont tout simplement le P. LEVAVASSEUR lui-même (le plus grand) et le pasteur protestant RAY.

 



 

 

 


Un exemplaire que j'ai pu observer à la bibliothèque de l'archevêché dans la fin des années 1970   portait des indications précises sur ce point, tracées d'une plume rageuse par le P. LEVAVASSEUR.

 

 

 

 

 

(N.B. - Cet exemplaire annotée ne figurait plus à l'inventaire de la bibliothèque en 1990).

 

 

 

 

On peut déchiffrer, en haut de l'image :


 

"Mouches stercoraires. Voilà leur Dieu, voilà leur geste, voilà leur respect pour les reliques et les sacerdoces

Voilà comment on se prépare à tuer les otages... commençant par les insulter et les salir !!

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et dire que ça s'imprime et se vend (3 sous) ; après le visa et la censure

du Commandant !!! qui ne fait qu'en rire !..

Au fait il y a de quoi ici.... C'est si spirituel ! Si drôle !! si peu communard !!!"

 

 En bas de l'image :


 

"Le pasteur protestant                                            //   Moi

Mr Ray                                                                //   le Prêtre catholique

                                                                                aumônier officiel"

 

 

 

Dans l'angle en bas à droite :


"Voir texte page 2 colonne 2 au bas "Nos gravures" 

 

 


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Pages 2 et 3 de la lettre du P. Levavasseur, reproduisant le texte de Mourot et reconstitution

 

 

La Voix  du Proscrit



                       A Mme M… D.

 

       Pour les bannis opiniâtres, la France est loin, la Tombe est près.

 

                                              Victor Hugo

 

 

L'an nouveau s'ouvre : à qui songer ?

Va frêle et soyeux messager ;

Qu'un vent léger

T'emporte

En France où je suis né.

Va par les mers et porte

À quelque ami plus fortuné

La plainte amère

Des proscrits

Mais… honte et misère !

Entendra-t-on jamais les cris

Que du fond de leur île, ils jettent vers Paris ?

 

Ô justice, ô ma mère

J'eus pitié jadis et maintenant à moi

Nul ne songe ;

Mais droit, amitié, vertu, justice et loi,

Ne le savais-je pas, tout cela, c'est mensonge ;

Et pour les malheureux qu'un lointain exil ronge

Et tue, hélas ! qui donc oserait de l'émoi ?

 

Jadis on exposait aux bêtes

Les chrétiens dont les têtes

Devant les dieux menteurs ne voulaient se courber

Maintenant, tout progresse,

Et sans remords et sans faiblesse,

Ceux que sous la mitraille on n'a pas fait tomber,

Ceux qui pour la République

En péril se sont levés,

Pensant remplir un grand devoir civique.

Tous ces vaillants, dès longtemps éprouvés,

On les livre aux soudards, aux hommes de l'Empire

Aux Charrière… or, c'est pire,

Et s'il fallait choisir,

J'opterais pour l'arène.

 

Sombre Billaud Varenne

Alors qu'on t'envoyait mourir

Sur les plages de la Guyane,

Combien de fois dans ta cabane

N'as-tu point envié la glorieuse mort

Des grands vaincus de Thermidor ?

 

J'ai vu mourir de faim et de folie

Plus d'un ami de mes jeunes ans,

Jetés par la tempête, à la fleur de la vie,

Bien loin de là les océans ;

J'ai comme toi, vidé jusqu'à la lie

La coupe amère du malheur…

Ô jours d'éternelle douleur,

Ô jours funestes, jours de fureur et de crimes,

Jours à jamais maudits !... Vers quels affreux abîmes

Nous précipitons-nous ? Quel sinistre avenir

De sang et de violence !...

 

Ô vieux Conventionnel, indomptable martyr !

Comme toi, fier proscrit j'ai perdu l'espérance

Et ne crois plus à rien,

Pas même au bien,

Pas même à la vengeance…

Ô mort ! cruelle mort ! à quand la délivrance ?

 

 

 

                                   Eug. M.

 

Ile des Pins. 1er janvier 1877.