GRAVURES CALÉDONIENNES D'ANTAN

Une fois n'est pas coutume, je vais ce mois-ci consacrer ma page de mise à jour à un livre tout récent puisque publié au cours du 4e trimestre 2015 à Nouméa (Éditions Footprint Pacifique).

 

 Gravures calédoniennes d'antan est un très beau recueil de documents iconographiques élaboré par Frédéric Angleviel qui a réuni en 205 pages quelques 300 illustrations consacrées à la Nouvelle-Calédonie des temps anciens.

 

Des images rares, difficilement accessibles qui, "souvent méconnues, méritent  d'être offertes à tous ainsi qu'aux différents publics spécialisés : enseignants, artistes et historiens" (citation extraite de l'Introduction).

  

L'ouvrage se développe en quatre parties :

 

  - Première partie : Des premiers Austronésiens à la découverte mutuelle (-1100 à 1853) ;

 

 - Deuxième partie : De la prise de possession unilatérale au front pionnier (1853 – 1872) ;

 

 - Troisième partie : Transportés, déportés et relégués en Grande terre (1872 – 1885) ;

 

 - Quatrième partie : Colonisation libre, agriculture et mines (1885 – 1903).

 

"Nous avons fait le choix de privilégier l'image sur le texte, la perception sur l'analyse, l'impact visuel sur l'approche cognitive".

 

 C'est en ces termes que Frédéric Angleviel présente l'économie générale de son livre et en effet, si les illustrations sont identifiées comme il se doit, les textes qui les accompagnent sont généralement des plus réduits ; les plus longs étant constitutifs des documents eux-mêmes lorsqu'il s'agit de la reproduction d'une page d'un journal illustré tels que le Journal des Voyages, L'Illustration, Le Monde Illustré… pas moins de 21 titres différents sont recensés dans la bibliographie.

 

    On trouve cependant quatre textes de synthèse – ne dépassant jamais une page – s'intégrant aux quatre parties de base :

 

     - Les bambous gravés (première partie, p. 55) ;

 

   - Jules Garnier, 70 gravures en 1867 et 1868 ! (deuxième partie, p. 105) ;

 

    - Les gravures désabusées de la presse de l'Ile des Pins (troisième partie, p. 155) ;

 

     - De la gravure à la photographie dans la presse de voyage (quatrième partie, p. 203).

 

 

Au bout du compte, une très belle réalisation par le choix des documents présentés en abondance, la qualité des reproductions sur un papier satiné de premier choix, une solide couverture cartonnée et richement illustrée.

 

***

 

Frédéric Angleviel m'a fait l'amitié de m'associer à la réalisation de son ouvrage par le biais d'une bien modeste participation – Les gravures désabusées de la presse de l'Ile des Pins – ce dont je lui sais gré et entend le remercier en mettant tout de suite en évidence par deux exemples l'utilité de ce regroupement de documents d'époque pour l'historien :

 

         Page 173 : l'excellente reproduction de Bourail Illustré que je n'avais jamais pu observer me permet de compléter la fiche de présentation de ce journal figurant dans la bibliographie de ma thèse (*) ;

 

    -          Page 119 : la page 108 du journal Le Monde Illustré, du 12 août 1876, est sous-titrée :

 

 

NOUVELLE-CALÉDONIE.

 

– Exposition de Nouméa.

 

– La distribution des récompenses.

 

– Idoles canaques, masques de guerre, spécimens de sculpture indigène, etc., etc.

 

– (Dessin de M. Scott, d'après le croquis de M. P., notre correspondant.)

 

 

Comme on le voit ici, au premier plan figure un coffret dont le dessin semble reproduire fidèlement l'objet décrit par le reporter des Petites Affiches de la Nouvelle-Calédonie qui, dans le numéro du 22 mars 1876, page 2, écrivait :

 

 

"Comme ébénisterie, nous remarquons un coffret en bois avec couvercle et côtés en terre cuite : le sujet qui forme le couvercle représente une femme canaque mollement étendue ; la pose en est très simple et l'aspect général plus joli et plus gracieux qu'il ne nous a été donné de le voir, jusqu'à ce jour, sur nature".

Voici donc réalisée la rencontre du témoignage écrit et du témoignage iconographique, ne restent plus qu'à retrouver le coffret en question (s'il existe encore) et identifier l'artisan et l'artiste qui l'ont réalisé ; il est vraisemblable, en effet, que l'ensemble soit dû à un travail où sont entrés en collaboration un ébéniste pour la structure en bois et un sculpteur-modeleur pour les décorations en terre cuite.

 

Sur ce dernier point, la liste des récompenses accordées ouvre une perspective :

 

- Administration pénitentiaire, Bertrand, presqu'île Ducos, médaille de bronze, "dormeuse canaque" ;

 

-     Laug (Administration pénitentiaire, presqu'île Ducos), médaille de bronze : "cassette" ;

 

-    Colot, Fabra et Cie (Administration pénitentiaire, presqu'île Ducos), médaille d'argent : "cassette et bureau en acacia, étagères"

 

 

 Pas moins de 17 déportés répondaient au patronyme "Bertrand",  5 à celui de "Collot" (aucun "Colot"), 7 à celui de "Fabre" (aucun "Fabra") ; enfin, il y avait 2 "Lang", 1 "Lauga" mais aucun "Laug".

 

Dans l'état actuel de ma documentation, il m'est impossible de progresser davantage sans aller consulter les dossiers des déportés, ce que je n'ai pas le loisir de faire.

 

Mon hypothèse est que "Bertrand", récompensé pour une "dormeuse canaque" (peinture ? gravure ? sculpture ? terre cuite ?) pourrait bien faire partie du groupe "Colot, Fabra et Cie" comme auteur des décorations en terre cuite d'un coffret en bois fabriqué par un compagnon ébéniste.

 

Reste aussi à identifier ce M. P., correspondant du journal, qui dessinait avec tant de minutie et de talent.

 

Peut-être deux pistes à suivre... par simple curiosité historique.