NOTES (documents).

 

(A) - Toute l'histoire de cette conduite d'eau se trouve résumée dans le rapport de la Commission d'examen des comptes, daté du 27 mai 1895, et publié par La Vérité dans son supplément au numéro 25. Je reproduis ci-dessous le début de ce rapport dont les conclusions défavorables au maire furent confirmées ensuite par une enquête administrative ordonnée par le gouverneur.

 

Marché Pritchard. 1 - Origine du cahier des charges.

La conduite d'eau de Yahoué, étant devenue insuffisante pour la fourniture de l'eau nécessaire à la population de Nouméa, la Municipalité de 1889 avait prié le maire, M. Sauvan, de faire dresser par les soins de M. Pouillet architecte voyer, des plans en vue de la possibilité d'une conduite d'eau faite en régie.

En mai 1890, M.M. Desmazures et Tindale adressaient deux offres distinctes à ce sujet.

On peut dire que, dès cette époque, la question est nettement posée il faut une nouvelle conduite d'eau : comment l'établira-t-on ?

Dès le 12 mai 1890, le Conseil est d'avis que l'eau soit prise à la Dumbée, et, le lendemain, une commission composée de M.M. Caulry, Bourdinat et Berthier est nommée pour étudier les plans dressés par l'architecte voyer.

Dans la séance du 26 août 1890, l'architecte voyer donne au Conseil lecture d'un projet de cahier des charges. Le rapporteur, M. Caulry, déclare que ce projet demande à être étudié minutieusement, et à être discuté. L'eau sera-t-elle prise à la Dumbéa (nonobstant la décision du Conseil du 22 août 1890) ou à Saint-Louis ? L'adjudication sera-t-elle scindée pour les terrassements, pour la fourniture des tuyaux, pour leur pose, etc... etc... ?

Quel sera le mode de paiement ?

Le projet du cahier des charges du 26 août 1890 n'était en outre accompagné d'aucun devis permettant d'examiner le montant de la dépense ; il était incomplet et par suite ne renfermait aucune des bases principales sur lesquelles doit s’établir une conduite d'eau.

Donc le projet du cahier des charges du 26 août était inacceptable tel qu'il était dressé.

Du mois d'août 1890 au mois de mai 1891, le Conseil consacra plusieurs séances à l'examen d'un emprunt devant couvrir les dépenses de la conduite d’eau.

En mai 1891, M. Desmazures, qui avait retiré son offre primitive, en présente une nouvelle qui est examinée par une commission de cinq membres.

M. Berthier, l'un des membres de cette commission, adresse le 2 juin suivant une lettre au Conseil municipal, l'informant qu'il se retirait de la dite commission, en donnant pour motifs que les plans dressés par le service des travaux de la Municipalité n'étaient pas assez explicites et que la Commission ne possédait pas les éléments d'appréciation suffisants pour statuer sur l'offre Desmazures.

A cette même date du 2 juin 1891, M. Caulry donna lecture du rapport de la commission chargée d'examiner la proposition Desmazures, et d'un nouveau projet de cahier des charges établi par l'architecte voyer et qui est lu dans la même séance.

 

Ici votre commission d'examen remarque que :

1°/ Dans les premières lignes de son rapport, M. Caulry dit qu'il va traiter la question financière puis la question technique de la conduite d'eau. Mais, après avoir passé en revue la question financière, 1'honorable rapporteur déclare qu'en présence du retrait de plusieurs membres de la commission, il lui est impossible de conclure et il laisse entièrement de côté la question technique du cahier des charges.

2°/ Le procès-verbal de la séance du 2 juin 1891 indique que le rapport de la commission, ainsi que le projet du cahier des charges lus dans cette même séance, seront transcrits sur le registre des procès-verbaux à la fin de la session.

Après examen, votre commission constate que le rapport de M. Caulry, traitant la question financière, est bien enregistré, mais elle ne voit pas figurer le projet ; c'est pourquoi elle a fait venir devant elle l'architecte voyer pour lui demander communication de l'original de ce cahier des charges. M. Pouillet a présenté plusieurs brouillons de projets rectifiés au crayon, sans date, sans signatures et a déclaré que c'était tout ce qu'il avait trouvé dans les archives.

Enfin, votre commission doit également signaler que le Conseil municipal de l'époque n'a pas statué, ni dans cette séance, ni plus tard, sur l'adoption ou le rejet du projet du cahier des charges dont il s'agit et dont on ne retrouve trace nulle part.

Donc pas plus que celui du 26 août 1890, le projet du 2 juin 1891 ne saurait servir de base pour le marché Pritchard.

A la date du 18 septembre 1891, le Conseil décide que la ville contractera un emprunt de deux millions de francs pour être affectés à l'établissement d'une conduite d'eau, et elle charge le Secrétaire d'Etat aux Colonies de négocier cet emprunt.

Après examen du dossier, la commission constate que c'est le Crédit Algérien qui a fait à la ville de Nouméa l'avance de deux millions à raison de 5 % l'an d'intérêts, remboursables en trente annuités.

Enfin dans la séance du 14 janvier 1892, il est donné lecture d'une lettre de M. Pritchard offrant à la ville d'établir une conduite d'eau moyennant une somme de un million trois cent quatre-vingt-quinze francs.

Il a paru intéressant à votre commission de faire ressortir les circonstances qui ont précédé et amené l'acceptation de cette offre.

Tout d'abord le Conseil décide (pour la troisième fois) que l'eau sera prise à la Dumbéa ; puis après lecture de l'offre Pritchard, quelques conseillers présentent des observations. M. Plaignet demande au Maire s'il existe des plans et des devis pouvant permettre au Conseil de statuer en toute connaissance de cause. M. Sauvan répond affirmativement.

Peut-on considérer comme devis un travail se résumant en deux pages de développement, daté au crayon de décembre 1891 et dont le total des dépenses figure pour 1.135.000 francs auxquels sont ajoutés 260.000 francs pour l'usure des outils et le bénéfice de l'entrepreneur, ce qui porte la dépense totale à 1.395.000 francs, chiffre conforme à l'offre Pritchard ?

Votre commission ne le croit pas, car ce soi-disant devis était absolument insuffisant pour un travail de cette importance, d'ailleurs sa date au crayon de décembre 1891 est de beaucoup postérieure aux deux cahiers des charges dont il a été fait mention.

Et cette théorie semble être appuyée par la façon dont la commande des tuyaux a été faite. Le cahier des charges des tuyaux établi à Nouméa édictait que la commande serait de 2.750 tonnes, mais que ce chiffre pourrait être porté à 4.300 suivant les besoins du service, "parce qu'on n'était pas certain en 1891 de la longueur de la conduite". En effet, une commande de 2.975 tuyaux a été faite en France le 21 octobre 1891 "avant le marché Pritchard" et une commande complémentaire, formant 4.550 tuyaux, a été adressée au Ministre le 19 janvier 1892, "après le marché Pritchard", parce qu'on était certain à partir de cette date de la longueur de la conduite.

Dans cette même séance du 14 janvier 1892, M. Plaignet demande également s'il existe un cahier des charges sur lequel le Conseil puisse s'appuyer.

"M. Sauvan, maire, répond que ce cahier des charges existe, qu'il a été élaboré au mois d'août 1890 par une commission composée de M.M. Caulry, Berthier, Bourdinat et lu en cette date en séance du Conseil.

Lecture est donnée de ce cahier des charges qui est adopté à l'unanimité ; alors, à la majorité du Conseil, moins deux voix contre et une abstention, M. le Maire Sauvan est autorisé à passer marché de gré à gré avec M. Pritchard, dans les conditions du cahier des charges précité le 26 août 1890".

Malgré toutes ses recherches, ses investigations, malgré des renseignements pris auprès des anciens conseillers municipaux, votre Commission n'a pu avoir sous les yeux ni plans complets, ni devis qui précèdent ordinairement un marché, pas plus que le Cahier des charges du 26 août 1890 sur lequel le marché Pritchard serait basé et, puisque le projet précité du 26 août 1890 était incomplet de l'aveu même de M. Caulry, alors rapporteur de la Commission d'où provenait le cahier des charges que le Conseil municipal a adopté dans sa séance du 14 janvier 1892.

Où trouver le devis qui, normalement, devrait appuyer ce cahier des charges de 1890 ? Serait-ce celui du 28 décembre 1891, le seul qui ait été cité ? Enfin, s'il n'existe ni plans, ni devis, ni cahier des charges, sur quoi le Maire a-t-il fait voter l'autorisation de passer marché ? Pourquoi ce chiffre de 1.395.000 francs plutôt qu'un autre ? Telles sont les observations que votre Commission laisse à l'appréciation du Conseil municipal.

 

(B) - Programme politique de La Vérité .

 

1 - Dissolution du Conseil général, nomination au scrutin de liste par toute la colonie.

2 - Revendication du domaine colonial et son retour dans le plus bref délai à la colonie.

3 - Paiement des sommes dues à l'Etat par les détenteurs de terrains.

4 - Réduction du personnel administratif.

5 - Réforme du collège. Institution d'écoles professionnelles.

6 - Suppression de l'immigration et des bureaux y annexés.

7 - Réforme des patentes et licences.

8 - Création de voies de communications.

9 - Création 1°/d’un hôpital civil 2°/ d'un hospice pour les vieillards.

10 - Création d'une caisse d'épargne coloniale.

11 - Réforme du service des postes et télégraphes. Diminution des taxes.

12 - Suppression de l’impôt sur les tabacs et protection raisonnée de cette culture.

13 - Diminution du droit de quarantaine.

14 - Création d'un service trimestriel de navigation entre Nouméa et Tahiti avec escale aux Iles Wallis.

15 - Annexion des Nouvelles-Hébrides.

16 - Taxes sur les immigrants asiatiques.

17 - Suppression des chantiers des Ponts et Chaussées. Mise en adjudication de tous les travaux.

18 - Création d'un Conseil des Prud'hommes.

19 - Impôt sur 1°/ les pianos 2°/ les vélocipèdes 3°/ les jeux de cartes 4°/ les chevaux et voitures de luxe.

20 - Création d'un port pour le cabotage.

21 - Révision du décret sur les mines.

 

- Affaires municipales

 

1 - Dissolution du Conseil municipal actuel. Sa réélection basée sur le mandat contractuel.

2 - Epuration du personnel.

3 - Paiement immédiat des sommes dues à la commune.

4 - Revendication par la commune de ses droits sur les patentes et licences.

5 - Retour à la Commune de tous les terrains concédés et dont les concessionnaires n'ont pas rempli leurs engagements.

6 - Taxe du pain - Obligation de fournir le poids.

7 - Achèvement du quai.

8 - Réglementation du service de la ville.

9 - Distribution des eaux dans certains quartiers.

10 - Suppression des ateliers et chantiers de la municipalité. Mise en adjudication de tous les travaux.

11 - Révision du marché passé avec le gaz.

12 - Répartition équitable des fonds de l'assistance publique.

13 - Obtenir une police municipale.

 

(C) - Articles sur certains points de salubrité publique mal respectés à Nouméa (nos 3, 4, 5, 7, 8,10, 14, 17, 26, 28, 30...).

- Pour l'amnistie des Arabes (9) et la libération de Cyvoct (12, 20, 24, 36)

- En faveur de l’éducation des enfants (7, 8, 19, 42).

- Pour l'exploitation de la houille (20, 21, 22) et des calcaires lithographiques de l'île Mato (9, 10, 15, 19)

- Pour l'érection d'un piédestal pour la statue de l'amiral Olry, don de la famille à la ville de Nouméa.

- Pour le respect par les boulangers du poids du pain qu'ils vendent (16).

 

(D) - Le samedi 23 février 1895, Georges Vénard, chef du service de l'Enregistrement se noyait en voulant traverser en voiture la Dumbéa en crue. La Calédonie du 25 relate l'accident en première page et présente le défunt en ces termes :

"M. G. Vénard n'avait que 42 ans. Aimant beaucoup ce pays, il avait, à diverses reprises, refusé, pour y rester, l'avancement auquel il avait droit, et il y avait épousé une fille de M. Advisse-Desruisseaux, chef de bureau de l a Direction d e l'Intérieur, dont une autre fille est la femme de M. Bouiller, directeur de la Banque de l’Indochine..."

La Vérité du 13 avril (n° 13) publie en deuxième page sous le pseudonyme "La vieille fée" une historiette intitulée "Le fil de l'histoire", dans laquelle une métisse, qui est garde d'enfant chez un fonctionnaire (caissier), devient sa maîtresse. Tous deux, mènent grand train de vie, mais plus tard, la métisse, abandonnée, s'adonne à la prostitution. Un trou est alors découvert dans la caisse dont le fonctionnaire est responsable, et l'enquête administrative trouve un bouc émissaire en la personne de la métisse.

Les numéros 16 et 17, sous les titres "Le linge sale" et "Flambez finances" puis les numéros 20, 21, 22, 24 et 32 sous le titre "Les mystères de l’Enregistrement" multiplient les allusions qui visent le fonctionnaire mis en cause.

 

(E) - Voir 1es documents photographiques - NDLR (Nouméa le 17 juillet 1895) et "La taverne d’Orsini", article dont je reproduis ici quelques extraits de la seconde page :

 

"..J'ai fait la nuit du bal ma courbette au chef de la colonie ; oui, c'est vrai ! J'affirme hélas que devant témoins je lui ai présenté mes devoirs et qu'il a répondu à mon salamalec par une gracieuse révérence.

Il était plus de minuit, l'heure des crimes ! Et je n’ai pas eu le pressentiment de ce qui allait se passer (...). Mais comme je ne recule pas devant le danger des mauvaises fréquentations, ni devant le document dont s'attise ma verve de chroniqueur en vue, tout en me conduisant en homme bien élevé orné d'une cravate blanche par hasard, je me suis dirigé avec des amis vers un buffet

Où, d'un coup d'œil rapide

J'avise une espèce de croquant

Qui versait du liquide...

et je demande sans ironie... une tasse de café !

C'est là mon crime ! J'ai commis cette indélicatesse grave ? Après tout; pourquoi me serais-je privé de café et aurais-je bu du champagne frelaté que je n'aime pas ?

Je n'avais pas songé à mon hôte chamarré et à la monomanie de la persécution dont il est affligé. Je dégustais sans vergogne le moka officiel lorsque je me suis aperçu, - j'allais dire avec plaisir, - que le citoyen Gouverneur présentait des signes manifestes d'agitation et qu'il semblait se formaliser de ma présence et de la parfaite correction de mon attitude. Je me suis dit avec joie : «Voilà un gaillard qui va commettre quelque idiotie! ». Je le médusais, le pauvre diable ! Et à l'encontre des épiciers en renom ou des fonctionnaires en tous genres qui se trouvaient là, j'ai produit mon petit effet. sans le chercher, je vous assure, effet sur lequel je comptais, n'ayant aucune illusion sur la valeur intellectuelle du personnage qui tournait autour de mon individu.

Un chien regarde bien un évêque !..."

 

(F)- La France Australe et La Calédonie reprennent le début de l'article "La Taverne d'Orsini".

 

"La Vérité du 17 juillet se fait l'écho d'une ancienne calomnie lancée par M. Drumont contre M. Challemel-Lacour et que celui-ci n'a jamais daigné relever. Le Challemel-Rocoux dont parle M. Drumont dans La France Juive et qui ramait au XVIIIème siècle sur les galères du roi n'a jamais rien eu de commun avec la famille du Président, pas même la parfaite similitude de nom".

 

Ce à quoi Lux répond en s'aidant de documents qui prouveraient l'exactitude des affirmations de Drumont et proclame :

 

"Nous concevons par conséquent très bien que notre attaque qui est, et restera un coup de maître, soit désagréable au Pouvoir et que la famille puissante qui fournit des ambassadeurs ou du gibier de potence aux Assises, regimbe..."

(La Vérité , n° 40 du 20 juillet : "Les ancêtres" ).

 

(G) - Dans le numéro 1, Pierre Petit présente le maire Pierre Sauvan sous le sobriquet de Mozambique.

 

"Illustre administrateur et propriétaire, type du bourgeois vieux jeu, dédaigneux et gobeur, fils de ses œuvres, reliées en veau du Queensland, ce personnage en vue a pénétré dans la vie publique modestement appuyé sur une sardine d'artilleur de 1ère classe (...). En effet, il guigna dès ses premiers pas les sommets et s'accrocha, frais émoulu du régiment, au grand cordon de la Maison du Diable qui pendait justement sans titulaire. Dans ce poste élevé, il se révéla comme un administrateur peu ordinaire de la chose commune (...)

Il passe ses loisirs à faire de l'histoire, épluchant les vieilles chartes qui finissent par le persuader que le fameux Masque de fer était réellement un fils de Napoléon Ier..."