ASSI (Adolphe, Alphonse).

 

Né à Roubaix le 27 avril 1841, décédé à Nouméa le 8 février 1886.

 

Ouvrier mécanicien, s'engage dans l'armée, puis déserte pour rejoindre Garibaldi.

De retour en France et amnistié, il reprend son métier de mécanicien ; on pense qu'il s'installe alors au Creusot (vers le milieu de 1868), employé dans les usines Schneider. En janvier 1870, il joue un rôle important dans la grève déclenchée pour contraindre Schneider à confier, selon ses engagements, la gestion de la caisse de secours à un organisme élu par les ouvriers. La grève échoue et Assi, élu à cet organisme, est licencié.

Il se rend alors à Paris (du 10 au 25 février) pour solliciter l'aide de la Fédération des Sociétés ouvrières et là, fait la connaissance de divers militants révolutionnaires. La grève reprend le 21 mars, mais s'arrête mi-avril sans avoir pu faire céder la direction ; il s'ensuit une vague d'arrestations, puis de lourdes condamnations.

Arrêté le 1er mai, Assi est impliqué dans le troisième procès intenté à l'Internationale. Il y déclare : "Je ne suis pas de l'Internationale ; mais mon intention est, après le jugement, d'y adhérer".

Pendant le siège de Paris, il est lieutenant au 192ème bataillon de la Garde nationale et milite pour l'organisation du Comité central, dont il fait partie dès sa formation.

Le 17 mars, il est élu commandant du 67ème bataillon ; le 19, colonel et gouverneur de l'Hôtel de ville ; le 26, par 19 890 voix sur 25 183 votants, le 11ème Arrondissement l'envoie siéger au Conseil de la Commune.

Son ambition paraissant suspecte, il fut mis en état d'arrestation du 1er au 15 avril, puis libéré et délégué aux fabrications de guerre.

Le 21 mai, premier jour de la semaine sanglante, à la nouvelle que les Versaillais sont entrés dans Paris par la porte de Saint-Cloud, le Comité charge Assi d'opérer une reconnaissance de nuit vers Passy. Rue Beethoven, il aperçoit des Fédérés allongés contre un mur. Il descend de cheval pour se rendre compte de la situation, ce ne sont plus que des cadavres ; des Versaillais surgissent et le font prisonnier.

Il comparaît devant le 3ème Conseil de guerre à partir du 7 août, en compagnie de quinze autres membres de la Commune, et s'entend condamner, le 2 septembre, à la déportation dans une enceinte fortifiée "pour avoir commis un attentat contre le gouvernement et dans le but d'exciter à la guerre civile, d'avoir fait lever des troupes armées, de s'être immiscé sans titre dans les fonctions publiques, d'avoir provoqué à la destruction de l'hôtel de M. Thiers, de la Colonne Vendôme et de la chapelle expiatoire".

Après un séjour "dans les casemates du fort Boyard", il est envoyé en Nouvelle-Calédonie. Il aurait fait partie du 1er convoi, à bord du transport à hélice Danaé arrivé à Nouméa le 29 septembre, après une traversée plus que rude pour lui puisque, à la suite d'une tentative d'évasion à l'escale du Cap, il aurait été mis aux fers jusqu'au terme du voyage.

À la presqu'île Ducos, où étaient assignés de résider les condamnés "à la déportation dans une enceinte fortifiée" il monte une forge pour exercer son métier de mécanicien ajusteur.

Plutôt mal noté (en 1876, il avait encouru sept punitions dont une condamnation à un an de prison pour complicité dans une tentative d'évasion le 16 avril 1875), il choisit de rester dans la colonie après l'amnistie et s'installe à Nouméa comme mécanicien-ajusteur en 1880.

Candidat à l'élection municipale de 1884, il est élu le 26 octobre (dernier élu du second tour).

Il décède le 8 février 1886 de ce qui semble avoir été un cancer du foie.

 

Bibliographie :

- Bernard Noël, Dictionnaire de la Commune de Paris, Flammarion, Champs, 1978.

- François Cron, Souvenirs amers, Mercure de France, 1989.

- Presse de Nouvelle-Calédonie des années 1872 à 1886.

- Bulletins de la S.E.H.N.C.

 

 

Les funérailles d'Assi dans la presse de Nouméa

 

L'Indépendant (9 février 1886, page 2)

 

Les Républicains de Nouméa viennent de perdre un de leurs plus vaillants champions.

M. Assi, l'ancien lutteur du Creusot, est mort hier à l'hôpital d'un abcès au foie.

Assi était un travailleur de la main et de la pensée. Son caractère énergique et droit lui avait gagné l'estime de ses concitoyens, et aux dernières élections municipales il avait été élu membre du Conseil de la commune de Nouméa.

 

 

L'Indépendant (11 février 1886, page 2)

 

LES FUNERAILLES D'ASSI

 

Une foule nombreuse a accompagné mardi au cimetière les restes de notre regretté concitoyen Assi.

On remarquait parmi les assistants le Gouverneur, son aide-de-camp ; des membres du Conseil municipal ; un grand nombre de fonctionnaire, de notabilités de la ville et d'anciens déportés, compagnons d'exil du défunt.

M. Simon, maire de Nouméa étant malade était remplacé par M. Bouillaud.

La loge maçonnique était aussi largement représentée aux funérailles de celui qui fut un de ses membres les plus fidèles.

Des discours ont été prononcés sur la tombe d'Assi par M. Bascans au nom de la loge, par M. Bouillaud au nom de la municipalité et par M. Lemaître, ancien déporté.

Les conseillers municipaux, collègues de M. Assi, ont décidé que tous les frais d'inhumation et de concession seraient supportés par eux personnellement.

Malgré les bruits qui avaient couru en ville deux jours auparavant, Assi n'a demandé aucun prêtre à ses derniers moments. Il est mort en libre penseur, comme il avait toujours vécu, et ses obsèques ont été entièrement civiles.

Qu'il nous soit permis d'adresser ici un dernier adieu à ce vaillant champion de la démocratie et de la libre pensée.

 

Le Néo-Calédonien (10 février 1886)


Hier mardi à 4 heures de l'après-midi, un grand nombre d'habitants de Nouméa, de toutes classes et partis, ont suivi au cimetière du quatrième kilomètre le corps d'Adolphe-Alphonse Assi, mécanicien-ajusteur, conseiller municipal de Nouméa ; ancien volontaire de Garibaldi, il fut un des fondateurs et plus influents membre de l'Internationale ; l'organisateur et chef de la célèbre grève du Creusot de 1870 avant d'être membre du Comité central et de la Commune et par suite déporté à la presqu'île Ducos d'où il n'est sorti qu'en 1880.

Assi a été inopinément enlevé en quelques jours par une maladie de foie, à la surprise et au grand regret de tous ; et le meilleur éloge que l'on puisse faire à ce vaillant soldat du travail et de la démocratie, c'est de voir l'affluence de la population nouméenne à ses obsèques.

Il ne s'agit point ici de politique ni de récriminations stériles, mais de la justice qu'il convient de rendre à un honnête homme.

Je suis dès longtemps, depuis les premiers mois de 1870, l'ami du regretté mort, j'ai vécu avec lui de longs mois dans les casemates du fort Boyard et nul ne peut affirmer plus sincèrement que moi la bonté de son cœur, son dévouement ardent et passionné pour les intérêts de la République et de la classe ouvrière, sa loyauté parfaite, l'intégrité de son caractère, son courage, son désintéressement et cette aménité tolérante qui lui a conquis si vite les sympathies et l'on peut dire, l'affection de toute la population nouméenne.

M. le Gouverneur, la plupart des conseillers municipaux ses collègues, beaucoup de fonctionnaires et d'habitants ont suivi son corps. Le Conseil municipal avait voté la veille, sitôt la nouvelle de sa mort, une concession de 15 ans pour notre pauvre ami !

Plusieurs discours ont été prononcés sur sa tombe, mais la place nous manque pour les reproduire.

En attendant que je puisse retracer sa vie, toute de dévouement, de travail et de lutte, je crois devoir remercier, tant en mon nom qu'en celui de tous ses anciens compagnons d'exil et amis, la population de Nouméa des honneurs qu'elle a si dignement rendus à sa mémoire.


Eugène Mourot.

 

L'Informateur (11 février 1886, page 2)


Nécrologie.


LES FUNERAILLES D'ASSI.


Avant-hier soir, à 4 heures, une foule compacte et recueillie accompagnait au champ du repos un homme dont la vie fut remplie d'amertumes pour la défense de la démocratie et de la liberté.

Sans refaire la biographie de ce brave et honnête citoyen, nous dirons que le corps d'Assi, descendu dans la tombe, un autre brave, M. Bascans, vénérable de la Loge maçonnique, s'avança vers elle et prononça non un discours, mais quelques paroles qui réconfortent la mort même et que donne seul le culte de la libre pensée.

Après lui, M. Masquiller a prononcé un discours reçu trop tard à la rédaction et que nous reproduirons demain.

Puis celui de M. Lemaître qui frappa l'auditoire par le récit patriotique des péripéties et des phases qu'avait traversées Assi, défenseur des libertés publiques pendant les sombres jours et surtout pendant la lutte de la semaine sanglante.

Aussi, les cendres d'Assi ont-elle pu tressaillir dans sa tombe, lorsque M. Lemaître, évoquant le cri d'adieu de celui dont il venait de retracer l'existence lança dans les airs ces mots : VIVE LA REPUBLIQUE.


Discours de M. Lemaître.


Messieurs, celui qui descend dans cette tombe a été un citoyen dévoué aux intérêts de sa patrie.

Au-dessus de sa tête on mettra : Assi, membre de la Commune de 1871 !

C'est un beau titre, Messieurs, car la Commune ne fut ni une émeute, ni une guerre civile ainsi que ses ennemis l'ont dit. Ce fut la défense de la Liberté française.

L'histoire impartiale le dira : sans la Commune du 18 mars, la royauté était rétablie le lendemain. Il ne restait même plus à la France l'auréole de la Liberté au milieu des nations. Notre patrie était avilie ; nous n'étions plus des hommes et des citoyens ; il n'y avait plus que des sujets.

Notre liberté était un dépôt sacré que nous devions défendre pour notre honneur, pour l'avenir de nos fils, pour l'exemple et l'avenir des autres peuples. Ça été l'œuvre de la Commune, et Assi s'est dévoué à cette grande œuvre.

Mais le plus beau titre d'Assi, celui qui le plaçait en France au premier rang parmi les premiers, c'est son titre de travailleur.

Connu et aimé de tous les ouvriers des grandes villes, il était sous le régime du 2 décembre la personnification la plus sympathique de la lutte du travail contre l'exploiteur, du labeur contre la paresse et le parasitisme.

Toute sa vie avait été une lutte contre l'exploitation. Ici, son travail y échappait, et, bizarre destinée, grands enfants que nous sommes quand nous croyons être sûrs de quelque chose ! il se croyait à l'abri des rapaces, il ne voyait pas qu'il restait quelque chose à exploiter en lui, sa popularité !

Ils le virent bien, eux, et n'y manquèrent pas, mais ils ne purent le corrompre. Et, lorsqu'est venue la funeste maladie qui a brisé cette nature athlétique, Assi s'occupait ici, en bon citoyen, de préserver de gaspillage les deniers de son pays d'adoption.

Il semble disparaître aujourd'hui pour échapper au triste spectacle auquel nous assistons.

Mais sa place était là-bas, dans la grande mêlée des destins de la République, au milieu de ceux qui vivent du travail, dans le grand combat pour la justice entre les hommes. Il devait y être le porte-drapeau des millions de Français qui vivent de leur travail. Là-bas, la maladie ne fût peut-être pas venue ; ou alors cent, mille ouvriers auraient accompagné son cercueil ; des députations des villes industrielles, des députés, des sénateurs, des écrivains lui auraient rendu un dernier hommage, digne et mérité.

Adieu Assi,

Au nom des amis de la Tolérance ;

Au nom de l'Internationale persécutée ;

Adieu au nom de tous les travailleurs de la France !

Messieurs, quand Assi accompagnait avec nous un républicain à sa dernière demeure, le cri de Vive la République ! était toujours notre dernier adieu à la cendre de notre ami.

C'est bien à Assi qu'est dû ce dernier hommage, ce dernier salut : VIVE LA REPUBLIQUE !