BOISSIER (Louis).

 

Né à Nîmes le 6 janvier 1824, fils de Jacques Boissier, chevilleur, et de son épouse Jeanne, née Giraud (ou Guéraud) ; il a un frère, Pierre Adolphe.

Marié le 25 octobre 1851, à Nîmes, avec Françoise Philippine Karcher ; ils n'ont eu qu'une enfant, Jeanne, né le 23 mars 1861 (rue de la Barouillère, n° 8), restée célibataire et décédée sans descendance le 31 janvier 1933 (à Nîmes, rue Stanislas Clément ; employée des Postes à Paris, frappée de paralysie après sa retraite, elle a fini sa vie en charge de ses cousins).

Louis Boissier était dessinateur de profession, et il a mené, semble-t-il, une vie tout à fait rangée jusqu'aux événements de 1871 (son dossier de déporté politique ne mentionne aucune condamnation antérieure).

Pendant la guerre, il fait partie de la 10ème ambulance internationale ; les défaites successives, la chute de l'Empire le poussent à donner sa démission et à gagner le territoire belge où il trouve refuge dès le 28 septembre.

Il est de retour à Paris le 2 février 1871 (Neuilly, 11 rue d'Orléans). Selon Maitron "…il entra comme simple garde de la 8ème compagnie du 249ème bataillon de la Garde nationale où il demeura après le 18 mars. Il faisait partie d'une société dite Nîmoise qui tenait ses réunions à l'école Turgot. Il prétend n'avoir pas été membre de l'Internationale, mais dans une profession de foi adressée aux gardes nationaux le 25 mai, il se déclare partisan dévoué et le propagateur des principes de l'Internationale."

Il ne fut pas membre de la Commune, mais le genre de déclaration ci-dessus résultant de l'enquête menée contre lui n'était certainement pas fait pour influencer favorablement le 6ème Conseil de guerre qui le juge "Coupable à l'unanimité d'avoir commis un attentat ayant pour but d'exciter la guerre civile et d'avoir porté des armes étant vêtu d'un uniforme militaire dans un mouvement insurrectionnel" et le  condamne à la "déportation dans une enceinte fortifiée" le 27 février 1873 (avec effet du 27 mars, compte tenu de la procédure d'appel) ; peine commuée le 11 juin en "déportation simple".

À compter du 5 juin 1873, il est détenu quelques temps au fort de Quélern (Brest), en attente du départ pour la Nouvelle-Calédonie. Il fait partie du convoi effectué par la frégate Virginie (avec notamment Rochefort et Louise Michel) qui appareille d'Aix le 5 juillet et, après des escales aux Canaries, au Brésil, au Cap et en Australie, arrive à Nouméa le 9 novembre. Là, comme tous les condamnés à la déportation simple, "Le 11 novembre, "Le Cher" vint nous prendre à son bord pour nous conduire à l'île des Pins à 25 lieues de Nouméa. Nous y arrivâmes le12 et le jour même nous mettions le pied sur la terre de l'exil après une traversée de quatre mois et sept jours." (Lettre à ma femme, île des Pins le 24 novembre 1873).

Dans ce séjour insulaire imposé, il décrit dans la même lettre sa vie "en communauté" avec trois amis ; "sur un terrain de 1 000 mètres" qu'on leur a concédé ils ont construit leur paillote : "C'est une petite cabane, 6 pieux solidement fixés en terre sur quatre mètres carrés, 4 traverses pour les 4 faces, des lattes quadrillées dans les intervalles et le tout ainsi que la toiture recouvert de pailles et de larges feuilles de cocotiers" ; en bordure de forêt. Il trouve que "le site est ravissant" et ils possèdent "quelques arbres à fruits, des fleurs et des plantes grimpantes (…), une source d'eau ferrugineuse, excellente à boire (…) d'immenses cocotiers chargés de leurs fruits".

Sa correspondance avec son épouse, son frère, son neveu, son ami Clausel donne quelques information,- déjà connues, mais néanmoins intéressantes à titre de témoignage direct,- sur les conditions de vie des déportés à l'île des Pins, les possibilités limitées qui leur sont offertes d'aller travailler à Nouméa, ou sur la Grande terre en général.

Dans le Calendrier du déporté Ozeré, on lit :

"11 juillet (1876)… On demande des déportés pour les mines 10 c par jour. L'administration les choisit ; Boissier est demandé par (…), il accepte" ;

et le "15 juillet…les 32 qui vont partir (soi disant) pour Higginson sont des hommes qui ont constamment travaillé pour l'administration et sont choisis par elle."

Dans les faits, Boissier n'est très probablement jamais allé travailler sur mine pour le compte d'Higginson ; en effet, Ozeré mentionne aussi, le 7 août 1877, que "les journaux 18 et 15 juillet donnent des détails sur les mines de nickel. Toutes les espérances paraissent anéanties. On attend les déportés qui ont obtenu la permission d'y aller travailler". Or, nous avons connaissance d'une lettre écrite par Boissier à son ami Clausel, le 28 janvier 1877, depuis l'île des Pins ; il est peu vraisemblable d'imaginer qu'il fût parti,- lui, plus apte à manipuler le crayon à dessin que la pioche à casser les cailloux,- pour travailler à la mine entre juillet 1876 et janvier 1877, ou entre janvier et août 1877.

À la suite de l'amnistie de 1880, Louis Boissier rentre en France à bord du Calvados.