D21- La Nouvelle-Calédonie du 3 septembre 1879.

 

En lisant cet arrêté, nous avons péniblement été impressionné et nous regrettons vivement que Monsieur Olry, notre Gouverneur, qui, à plusieurs reprises, a dit qu'il était partisan de la liberté de la presse, ait pris une décision d'une telle gravité.

Les jurisconsultes et les légistes de tous les pays civilisés sont unanimes pour reconnaître que l'imprimerie ne doit pas être assujettie à des lois spéciales et exceptionnelles, mais considérée comme toute autre machine et toute autre propriété et, par conséquent, régie par les mêmes lois et règlements et qu'interdire, le fonctionnement de cette machine c'est porter atteinte à la propriété individuelle en privant l'homme du produit qu'il est en droit d'attendre du fonctionnement de cet instrument, à la création duquel il a employé ses deniers.

Le Code est loin d'être muet sur ce sujet : nous avons des lois sur la matière.

Ce qu'il y a de plus triste, c'est que cet arrêté tombe juste au moment où nous avions conçu des espérances que nous nourrissons encore, de trouver le Chef de la colonie disposé à nous appuyer, à nous seconder dans toutes nos revendications pour obtenir toutes les libertés et l'exercice de notre souveraineté (hors desquels pas de prospérité pour le pays), et aussi, ce qu'il y a de plus inexplicable pour nous, c'est que cet arrêté arrive juste au moment où nos législateurs sont sur le point de faire des lois empreintes de l'esprit le plus libéral sur l'imprimerie et sur la presse.

Dans tout pays régi par des institutions républicaines, le journaliste, le publiciste a non seulement le droit, mais aussi le devoir vis-à-vis de ses concitoyens de critiquer les actes des fonctionnaires s'il croit qu'ils ne sont pas conformes à la justice, et, en faisant cela, il rend service non seulement à la société, mais encore à tous les fonctionnaires qui ont pu, de bonne foi, se tromper sur un acte quelconque, parce qu'il leur ouvre les yeux et leur donne l'occasion de revenir sur cet acte, de le réformer et, par conséquent, de les délivrer de la responsabilité morale qu'ils encoureraient (sic).

Si cette liberté de discuter, de critiquer les actes de l'administration avait existé, beaucoup de fautes et de malheurs auraient été évités, et, à notre avis, le désastre de la banque ne serait jamais arrivé ; mais lorsqu'un journaliste a commencé à dénoncer les agissements de cet établissement et montré le péril auquel nous étions exposés, on lui a arraché la plume des mains, on l'a obligé à se taire, et cependant ce qu'il prévoyait est malheureusement arrivé,

 

Ch. S.