D31- La Nouvelle-Calédonie du 27 août 1879.

 

Il y a deux sortes de journaux :

Ceux qui vivent de leur tirage ;

Ceux dont les recettes ne peuvent couvrir les dépenses.

Dans le premier cas, l'imprimerie est l'accessoire, le journal a ses presses, ou un traité à forfait avec l'imprimeur.

Dans le second cas, le journal ne peut vivre qu'à la condition d'avoir une subvention, ou de n'être lui-même que l'accessoire d'une autre opération.

En France, la petite presse locale est souvent l'accessoire d'une imprimerie, et plus souvent encore elle est subventionnée par un groupe politique, ou quelque candidat électoral.

En Europe, l'ardeur des opinions politiques, les capitaux considérables dont elles disposent permettent à la presse de représenter toutes les nuances; même les opinions les plus risquées.

En Nouvelle-Calédonie tout s'est passé autrement. Une imprimerie a été créée par actions alors qu'il n'y avait pas l'ombre de liberté de la presse, et c'est à l'ombre de cette imprimerie et avec ses capitaux qu'on a fondé un immense journal d'annonce qui ne pouvait être qu'un accessoire. Il paraissait donc logique, pendant cette période que la direction de l'imprimerie primât celle du journal.

Aujourd'hui les temps sont changés, une ère nouvelle semble s'ouvrir, favorable à la revendication de nos droits, la mission du journal est toute tracée, mais si l'association se perpétue entre l'imprimerie et le journal sous une autre direction, c'est la rédaction qui doit diriger le choix des actionnaires.

L'imprimerie civile de Nouméa, et le journal qu'ellea fondé plus tard ont été créés sans partis pris d'opinions politiques et en vue seulement d'arriver progressivement à l'indépendance de l'imprimerie d'abord du Moniteur(sic), ensuite la commandite n'a donc ni caractère politique, ni caractère d'intérêts particuliers.

Il faut néanmoins que la Nouvelle-Calédonieait une couleur et cette couleur ne peut résulter que de la direction politique imprimée par un conseil d'administration représentant l'opinion de la majorité des actionnaires.

Dans un journal tout doit être d'accord : la commandite qui a un but à atteindre, une idée à propager, une opinion à défendre, qui apporte ses capitaux et se fait représenter par un conseil d'administration.

La direction politique qui est la personnification du programme arrêté par le conseil d'administration.

La rédaction qui travaille dans le sens indiqué.

La direction politique et la rédaction ne peuvent pas encore être dédoublées en Nouvelle-Calédonie et il paraît probable que le moment n'est pas encore venu d'opérer la scission entre l'imprimerie et le journal qui auraient grand peine à vivre l'un sans l'autre.

Il appartient à l'assemblée générale de décider d'une façon générale quelle forme de gouvernement le journal prétend défendre ; ce n'est pas qu'à cinq mille lieues de la métropole une feuille hebdomadaire puisse avoir la prétention d'exercer une influence sur les débats politiques, mais elle doit une affirmation de principes à ses abonnés et elle ne peut s'en dispenser si elle veut trouver un écho dans le presse française.

En dehors de cette nécessité d'aptitude en matière de politique générale, le journal local doit surtout s'occuper des intérêts locaux et de l'application des principes de liberté sans lesquels il n'y a pas de colonisation possible. Il doit se dispenser de toutes questions personnelles en tant qu'elles ne touchent pas aux intérêts publics qu'il a mission de défendre. Il ne faut pas que l'esprit de dénigrement ou les rancunes personnelles entraînent la rédaction à condamner ce qui est bien, d'où que cela sorte.

…………………………………G.L.